En ce beau dimanche d'été, Monsieur Eugène et sa femme, selon leur habitude, vont se mettre au vert. Comme souvent, ils se rendent dans la maison de campagne de Meudon - la mère d'Eugène a hérité de plusieurs propriétés dont une maison secondaire dans le beau quartier de Bellevue.

Ils quittent avec soulagement l'extrême agitation de la rue du Temple pour rejoindre l'embarcadère des Tuileries du Pont Royal, et monter sur une navette fluviale de la Compagnie Générale des Bateaux Parisiens. En 45 minutes à peine, la navette les conduit à l'embarcadère de Sèvres, situé dans le bas Meudon à la pointe sud de l'Ile Seguin, juste après le Pont de Sèvres.

Ils empruntent le ponton pour rejoindre le funiculaire de Bellevue qui les conduira à deux pas de la maison familiale où ils sont attendus pour déjeuner. Le funiculaire mis en service en 1893 est une vraie bénédiction car avant il fallait emprunter le rude et interminable Chemin des Lacets pour rejoindre les hauteurs de Meudon ! A l'arrière plan de la photo, on peut d'ailleurs apercevoir le viaduc du Funiculaire. Ils flânent sur les abords du fleuve. Monsieur Eugène se retourne pour jouir de la vue sur la Seine. Quelques pêcheurs du dimanche taquinent le goujon sous l’œil amusé de leurs femmes installées sur la berge. Plus loin, le petit port commercial et le lavoir se reposent de la frénésie de la semaine. Puis Monsieur Eugène remarque trois hommes (quatre ?) en habit du dimanche, eux aussi regardent la scène. Très intéressant ... vite ! il se saisit de son appareil dont il ne se départ jamais le dimanche et ... clic clac ! c'est dans la boite ! "Pourvu que la photo ne soit pas trop floue" se dit-il, avant de rejoindre sa femme déjà loin.

Ce scénario, même si nous l'avons entièrement imaginé, est tout à fait plausible. Il repose sur les informations collectées dans le coffre-fort, d'autres photos, et nos diverses recherches sur Internet ...

Revenons à l'Exposition Universelle de 1900... Entrons cette fois par la porte principale, "la Porte Monumentale" aussi dénommée "la Porte Binet" du nom de son architecte.

Il faut bien ça pour pénétrer dans ce lieu si exceptionnel. Car pas moins de 48 millions de visiteurs se presseront à l'Exposition. Affluence record : 1000 personnes à la minute ! 135 autres entrées disséminées sur le domaine seront également empruntées par les visiteurs. Pratique, la porte principale permet d'écouler rapidement le public : 18 guichets doubles (9 de chaque côté) et donc 36 entrées en tout avec caisses et poinçonneurs.

La porte se devait aussi d'être une belle entrée en matière pour le public. L'architecte a innové en créant un bâtiment original emblématique de l'art nouveau et du siècle de l'électricité. La photo, en noir et blanc, ne permet pas de le voir mais en fait le bâtiment est très coloré. Dans la structure métallique sont encastrés des cabochons de verre de couleur bleus et jaunes, dans lesquels il y a des petites ampoules électriques (3200 en tout !).  La nuit ça devait faire son petit effet ! L'orientalisme en cette fin de XIXe siècle est toujours en vogue et ça se voit : les minarets, la forme du dôme qui rappelle la mosquée, le revêtement,... Tout en haut - malheureusement la photo est tronquée - une statue de femme de 6m de haut accueille les visiteurs. Surnommée "la Parisienne" et vêtue à la dernière mode de l'époque, personne ne sait ce qu'elle est devenue après la démolition de la porte.

Mais poursuivons notre visite. Nous sommes donc Place de la Concorde et la porte s'ouvre sur le cours la Reine qui mène aux Petit et Grand Palais. On aperçoit d'ailleurs sur la droite la verrière du Grand Palais tout juste terminé pour l'Exposition et qui a défrayé la chronique par l'ampleur de son chantier. Attrapons un plan au passage (cliquer ici) et dirigeons nous droit devant pour découvrir "l'Horticulture", un vaste espace dédié à l'art du jardin. Au bras de Monsieur Eugène, la visite peut commencer...

Les vacances furent belles et... instructives. En nous promenant dans la petite commune balnéaire de Batz-sur-Mer en Loire Atlantique, nous sommes tombés sur une construction étonnante toute proche du clocher de l'église Saint-Guénolé : une sorte d'église assez spacieuse mais sans toit ! Le genre de monument qui ne laisse pas indifférent et dont on se souvient. Et bizarrement, bien que n'ayant jamais mis les pieds dans cette ville, il nous semblait familier. Se pourrait-il que cela corresponde à une des nombreuses photos non encore identifiées que nous a léguées ce bon Monsieur Eugène ? Vérification faite à notre retour, nous avions visé juste ! Et le hasard a voulu que nous prenions la photo exactement sous le même angle ! Cliquez ici pour voir.

ll s'agit de la Chapelle Notre-Dame-du-Mûrier qui date de la fin du XVe siècle. De style gothique, elle fut construite par les paludiers (tout autour il y avait les marais salants) en signe de remerciement suite à une épidémie de peste. Mais une affreuse tempête survenue au début du XIXe eut malheureusement raison de son toit qui ne fut jamais reconstruit faute de moyens. On préféra colmater l'église Saint Guénolé qui subit également des dommages... tout en utilisant pour cela les pierres de la Chapelle ! Heureusement cette dernière a été classée monument historique en 1862 ce qui mit fin aux pillages et destructions sauvages. Aujourd'hui elle ne manque pas de charme avec son sol en pelouse, des concerts ou autres événements artistiques y sont d'ailleurs organisés.

En fait, la présence de Monsieur Eugène en ces lieux ne nous étonne pas vraiment car grâce à un ami, nous avions déjà pu identifier sur une autre photo le Croisic tout proche. Nous y reviendrons...