#22 La grande buée
22.3.18
Pour cette photo, nous ne nous donnerons pas la peine
de chercher à connaitre la date ou le lieu de la prise de vue. Le combat est perdu
d’avance ! La lessive en plein air ou encore la “buée” comme on disait jadis,
se pratiquait partout.
Deux femmes sont venues au bord de la rivière, leur brouette chargée de linge, dans un lavoir en plein air. Avant cela, leur linge a été préalablement pré-trempé à leur domicile comme c’était l’usage ; il a été immergé dans un grand baquet en bois pour un premier décrassage avant d’être lessivé dans un mélange d’eau bouillante et de cendre – le carbonate de potasse – un très bon nettoyant ! et battu. Puis direction le lavoir pour la phase rinçage et essorage. Eh oui ! On pense souvent à tort que le linge était nettoyé au lavoir mais non ! Heureusement d'ailleurs car l'eau de la rivière est froide. Les lavoirs comportaient très souvent comme ici une pierre inclinée. Les lavandières ou blanchisseuses, souvent à genoux dans une sorte de bac en bois, le « garde genoux », mettaient le linge dans l'eau, le tordaient en le pliant plusieurs fois, et le battaient avec un battoir en bois sur la pierre afin de l'essorer le plus possible. Puis il était rechargé sur la brouette ou autre carriole pour un retour au domicile pour la phase séchage.
Après les épidémies de
choléra, variole et typhoïde, une loi votée en 1851 avait encouragé la
construction de lavoirs par le biais de subventions. Une bonne nouvelle
pour
faciliter les lessives qui étaient extrêmement pénibles et pas faciles à
mettre en œuvre dans les logements souvent étriqués, à fortiori en ville. A tel point que
pendant
longtemps, on ne faisait la lessive que deux ou trois fois par an, de
préférence à la belle saison. On avait accumulé suffisamment de linge,
génération après génération, pour pouvoir en changer régulièrement et
éviter d’avoir
à le laver trop souvent.
On se demande bien pourquoi Monsieur Eugène a pris en photo cette scène si banale à l’époque. Même à Paris où il y avait près de 400 lavoirs. Mais il est vrai que dans la capitale, le linge était souvent mis directement à la blanchisserie, ce qui pourrait expliquer l’intérêt d’Eugène pour cette scène quotidienne typique de son temps. Ou peut-être la famille Eugène détenait-elle déjà une lessiveuse, ce grand récipient en fer servant à faire bouillir le linge, qui sonnera le glas de la pratique de la lessive traditionnelle, laquelle lessiveuse sera remplacée à son tour (vers 1910) par la machine à laver à manivelles. Il faudra attendre encore plusieurs décennies - les années 60 - pour que la machine à moteur électrique telle qu'on la connait aujourd'hui pénètre dans nos foyers.
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