Au tournant du XXe siècle, c'est sur leurs deux pieds que circulent les gens la plupart du temps ! Avoir une automobile est pour beaucoup un rêve inaccessible, même si son ascension en France est de plus en plus rapide : 5.000 autos en 1900 contre 20.000 en 1903 ! Le vélocipède puis la bicyclette font de plus en plus d'adeptes et se démocratisent doucement mais encore faut-il être un tantinet sportif et aventurier et les trajets sont limités. Pour se déplacer à la Belle Époque c'est encore et surtout le cheval qui tient le haut du pavé.

Nous avons longtemps cherché le type de véhicule que l'on voit sur la photo. Difficile de s'y retrouver parmi les différents noms d'hippomobiles de l'époque : sapin, diligence, carrosse, tramway à cheval, calèche, fiacre, coche, gondole, berline, patache, landau, coupé... Finalement, grâce à un blog de passionnés d'attelages en tous genres nous avons trouvé la réponse : il s'agit d'un omnibus privé dit "de gare, hôtel ou pensionnat" (cf lien). Construit sur le modèle des omnibus utilisés à Paris en tant que transport public avec arrêts fixes, il contient moins de places pour les passagers (10 places en intérieur et 7 en extérieur), et sur l'impériale (la partie du dessus) les banquettes sont face à la route et non disposées latéralement. Ces omnibus étaient utilisés pour relier les gares aux hôtels. Bref un genre de taxi collectif ou de navette d'hôtel.

On peut donc aisément imaginer que la famille de Monsieur Eugène a réservé cet omnibus lors d'un de ses déplacements en province ou alors en région parisienne, peut-être pour rejoindre leur résidence secondaire de Marcoussis ? On ne voit pas de bagages apparents. On reconnait au premier plan Gustave, le beau-père du photographe. À côté, nous pensons qu'il s'agit de l'oncle de notre Eugène – le juge Edmond – mais nous n'avons pas encore trouvé la preuve irréfutable de son identité. Et derrière, il s'agit très probablement de Charles, le frère ainé de Monsieur Eugène, bijoutier lui aussi. Les dames ont pris place à l'intérieur de la voiture pour faire un brin de causette ; on devine la présence d'au moins trois femmes – très certainement Suzanne accompagnée de sa belle-sœur et de Jeanne, sa mère. Monsieur Eugène semble être descendu de la voiture spécialement pour faire la photo sous le regard morne et indifférent du cocher et le salut amical de son oncle.